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Les effets du classement des pitons, cirques et remparts de La Réunion sur la « Liste du patrimoine mondial » de l’UNESCO

31/10/2010

Les pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion ont été inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO le 1er août 2010 par le Comité de l’Unesco réuni à Brasilia. C’est le 35ème site français à obtenir une telle reconnaissance et le 2ème de l’outre-mer français à côté des lagons de la Nouvelle-Calédonie inscrits depuis juillet 2008.

A ce titre, La Réunion participe du succès de la Convention de 1972 qui permet d’identifier des biens d’une « valeur universelle exceptionnelle » comme appartenant au « patrimoine mondial de l’humanité ». Le prestige du label international délivré par l’UNESCO s’est construit autour d’exigences fortes relatives à l’identification des sites et à leur régime juridique. Une fois identifié, le site n’est pas laissé pour compte. Les gestionnaires doivent respecter certaines obligations de protection et de gestion.

I – Les obligations générales issues de la Convention de l’UNESCO

 L’inscription d’un site sur la Liste du patrimoine mondial n’implique pas l’application d’une réglementation spécifique. Quelques obligations générales découlent de la Convention de l’UNESCO (I), mais ce sont surtout les obligations résultant du droit national – en l’occurrence le droit français – qui permettent la protection et la gestion d’un site (II). En outre, certains dispositifs permettent le contrôle du respect des obligations (III).

Une fois inscrit sur la « Liste du patrimoine mondial », le site concerné aura une « valeur universelle exceptionnelle » qu’il conviendra de préserver. Les articles 5 et 6 de la Convention énumèrent les obligations générales résultant de l’inscription. 

Ainsi, l’État partie devra « prendre les mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières adéquates pour l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la réanimation de ce patrimoine » (article 5,d). Sur ce fondement, les États adopteront donc des mesures nationales de protection du site inscrit dont le détail doit d’ailleurs figurer dans le dossier de demande d’inscription du site. « Il faut donc que le site fasse partie d’un système juridique d’espace protégé en droit national qui satisfasse aux objectifs de la Convention »1.

D’autres obligations résultent de la décision du Comité du patrimoine mondial inscrivant un bien sur la « Liste », car elle est accompagnée de diverses prescriptions regroupées dans la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle. Celle-ci sert de base pour la protection et la gestion du bien. Pour ce qui concerne le classement des pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion, la décision 34 COM 8B.4 adoptée à Brasilia lors de la 34ème session du Comité du patrimoine mondial (25 juillet - 3 août 2010), prévoit ainsi que la protection et la gestion du bien seront assurées par :

  • une application efficace et adaptative du plan de gestion du bien ;
  • le maintien à long terme de ressources financières et humaines suffisantes ;
  • des consultations efficaces et utiles avec tous les acteurs concernés, y compris les communautés qui vivent dans les zones tampons et les zones environnantes, sont indispensables ;
  • l’application d’une stratégie complète pour contrôler et éradiquer les espèces exotiques envahissantes à long terme, de manière ininterrompue et avec un financement continu important ;
  • la gestion des activités économiques anthropiques telles que l’agriculture, la sylviculture la production d’énergie et le tourisme à l’intérieur du bien et dans sa zone tampon de manière à ne pas nuire à l’intégrité du bien ;
  • l’élaboration et l’application efficace d’une stratégie de développement touristique donnant la priorité à la protection des valeurs du bien, sans négliger les objectifs économiques.

II – Les obligations résultant du droit français

Le dossier de demande d’inscription d’un bien sur la « Liste du patrimoine mondial comporte diverses données géographiques, scientifiques ou historiques relatives au site. Il comprend également une partie – la section 5 – d’ordre juridique retraçant la liste et le fonctionnement des mesures législatives, réglementaires, contractuelles, de planification, institutionnelles et/ou traditionnelles qui vont s’appliquer à la protection du bien.

Pour ce qui concerne le site des pitons, cirques et remparts de La Réunion, divers instruments concourent à la protection du bien. 
En premier lieu, le bien couvrant l’intégralité du cœur du Parc national de La Réunion, il est d’ores et déjà soumis au régime général des  parcs nationaux2 et au décret de création du parc national de la Réunion3

En second lieu, le plan de gestion du site, imposé par le paragraphe 108 des « Orientations » sera constitué par la Charte du Parc. Celle-ci « définit un projet de territoire traduisant la solidarité écologique entre le cœur du parc et ses espaces environnants »4. Pour le Parc national de La Réunion, elle n’a pas encore été finalisée, mais est en cours de préparation. Elle devrait être adoptée par décret courant 2011 pour une durée de 10 ans. Le paragraphe 115 des « Orientations » reconnaît qu’il est acceptable qu’un bien soit inscrit sans plan de gestion à condition que l’État partie soit en mesure d’indiquer « quand sera mis en place un tel plan ou système de gestion » et « comment il propose de mobiliser les ressources nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre » de ce plan. Dans le cas de la Réunion, divers éléments ont emporté la conviction du Comité du patrimoine naturel pour accepter d’inscrire le site sans plan de gestion :

  • le contenu de la Charte est définie par les lois et règlements du droit national de façon suffisamment claire pour qu’elle puisse constituer un plan de gestion d’un bien du patrimoine mondial de l’humanité ;
  • le processus d’adoption de la charte est déjà largement entamé et mobilise l’essentiel de l’attention du Parc national de La Réunion ;
  • un calendrier clair est fixé pour son adoption.

Dans l’attente de l’adoption de la Charte, d’autres instruments permettent de garantir la gestion et la protection des pitons, cirques et remparts de La Réunion :

  • le schéma d’aménagement régional ;
  • les documents d’urbanisme (schémas de cohérence territoriale, plans locaux d’urbanisme, cartes communales) ;
  • le plan d’aménagement des forêts.

Ces documents contiennent des dispositions pour la conservation et la gestion des espaces naturels au sein du parc national et des mécanismes de coordination ont été instaurés entre eux. En conséquence, ils pourront, au sens du paragraphe 115 des « Orientations » « orienter la gestion du site jusqu'à ce que le plan de gestion soit finalisé. Ces instruments continueront à s’appliquer au bien une fois la Charte du Parc adoptée, d’autant qu’ils sont imbriqués les uns dans les autres. Ainsi, la Charte doit être compatible avec le schéma d’aménagement régional5 et les documents d’urbanisme susvisés doivent, quant à eux être rendus compatibles à la fois avec les objectifs de protection et les orientations de la Charte du parc nationalet avec le schéma d’aménagement régional7.

III – Le contrôle du respect des obligations

Le suivi-réactif du Comité

Les « Orientations » instaurent des mécanismes de contrôle et de suivi de l’état de conservation des biens inscrits. En effet, la menace pesant sur un bien inscrit doit être portée à la connaissance de l’UNESCO pour, le cas échéant, envisager une réaction. L’État lui-même peut avertir l’UNESCO, mais également les organisations consultatives, le public ou une ONG. Dans ces derniers cas, le Secrétariat de la Convention vérifie, « dans la mesure du possible, la source et le contenu des informations, en consultation avec l’État partie concerné auquel il demandera les commentaires »8. Il s’agit donc d’un véritable contrôle « collectif et sociétal »9

Au vu des éléments recueillis, le Comité du patrimoine mondial pourra prendre diverses décisions en fonction de l’état de détérioration du site :

  • si le Comité considère que le bien peut encore être restauré, il peut demander à l’État partie de prendre les mesures nécessaires à cette restauration dans un laps de temps raisonnable ;
  • si les exigences et les critères décrits aux paragraphes 177- 182 des « Orientations » sont remplis, le Comité peut décider d’inscrire le bien sur la Liste du patrimoine mondial en péril (34 sites en 2010) ;
  • si le bien est irréversiblement détérioré, les caractéristiques ayant déterminé son inscription sur la Liste ayant disparu, le Comité peut décider de retirer le bien de la Liste après information de l’État concerné et transmission de ses éventuels commentaires.

Bien qu’il ne soit pas formellement prévu par la Convention, le retrait de biens de la Liste du patrimoine mondial constitue, de fait, une sanction. Pour retirer un bien, le Comité « applique le principe du parallélisme des formes en droit administratif : un bien étant inscrit sur la Liste à la majorité des deux tiers des membres présents et votants du Comité du patrimoine mondial, c’est à cette même majorité qu’il pourra être retiré de la Liste »10. Dans les faits, aucune procédure de retrait n’a encore été menée à son terme, la notification de la menace de retrait par le Secrétariat ayant souvent été suffisamment efficace.

Le contrôle par le juge interne

Le contrôle du respect des conventions internationales – et a fortiori de la Convention de l’UNESCO – par le juge français pose problème. En effet, bien que l’article 55 de la Constitution prévoie que les traités ont une autorité supérieure à celle des lois, le juge conditionne l’application des conventions internationales à leur effet direct. Autrement dit, les conventions ne sont invocables par un requérant que dans la mesure où elles produisent un effet direct, ce qui n’est pas le cas quand :

  • les conventions contiennent des dispositions trop vagues et ne présentent donc pas de caractère normatif
  • les dispositions d’une convention sont trop générales pour être applicables immédiatement et nécessitent des mesures nationales d'application.
  • les conventions ne créent des obligations qu’entre les États parties, mais pas directement à l’endroit des particuliers, « ce qui est le cas d’un grand nombre de conventions internationales sur l’environnement »11.

Pour ce qui concerne en particulier la Convention de l’UNESCO, le juge ne s’est jamais prononcé sur son effet direct ou non, mais il faut supposer, avec Michel Prieur et compte tenu des termes de la Convention, qu’il considèrerait qu’elle n’a pas d’effet direct12. En effet, les dispositions de la Convention commencent pas « les États parties » ou « chacun des États parties ».
Il reste que bien entendu, la Convention de l’UNESCO s’impose à l’État qui peut voir sa responsabilité internationale engagée en cas de non respect. 

Conclusion

La Convention de l’UNESCO, malgré ses 39 ans, est toujours vivante. L’outre-mer français participe largement à cette vivacité avec l’inscription en 2010 des pitons, cirques et remparts de La Réunion, mais également des lagons de Nouvelle-Calédonie en 2008 sur la Liste. A noter également le projet d’inscription sur la Liste de l’archipel des Marquises. 

Au-delà de cette vivacité, il faut reconnaître à la Convention une force réelle qui dépasse ses seules implications  juridiques. La communauté internationale et les citoyens s’en sont en effet emparé pour en faire un outil efficace et prestigieux de protection des sites naturels ou culturels inscrits. 

Lucile Stahl (LIJOM n°8 , automne 2010)

Pour aller plus loin : http://whc.unesco.org/fr/35

Notes : 

1. M. PRIEUR, Les conséquences juridiques de l’inscription d’un site sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, RJE, n° spécial 2007, p. 104.
2. Code de l’environnement, articles L. 331-1 et suivants et R. 331-1 et suivants.
3.Décret n° 2007-296 du 5 mars 2007 créant le Parc national de la Réunion, JORF 6 mars 2007, p. 4265.
4. Code de l’environnement, article L. 331-3.
5. Code de l’environnement, article L. 331-15, II.
6. Code de l’environnement, article L. 331-3, III.
7. Code général des collectivités territoriales, article L. 4433-8, in fine.
8.Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, paragraphe 174.
9. M. PRIEUR, op. cit., p. 105.
10. Idem, p. 107.
11. M. PRIEUR, op. cit., p. 110.
12. Idem.
Territoire concerné: 
Océan Indien, Mayotte