Nouvelle-Calédonie : les requins bouledogues et tigres devant les juridictions
La Délibération n° 787-2021/BAPS/DDDT du 26 octobre 2021 portant diverses modifications du code de l'environnement de la province Sud, par laquelle le bureau de l’Assemblée de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie a décidé de déclasser les requins bouledogue et les requins tigre de la liste des espèces protégées de la province, a fait l’objet de recours que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté par deux décisions du 27 octobre 2022 (n° 2100436) et du 24 novembre 2022 (n° 2200157).
Les associations Sea Shepherd Nouvelle-Calédonie, Longitude 181 et Ensemble pour la planète ont toutes trois formé des recours contre le déclassement des requins bouledogues et tigres de la liste des espèces protégées figurant à l’article du code de l’environnement de la province sud.
Elles avançaient divers moyens qui ont tous été rejetés par le tribunal administratif.
Parmi ces moyens, les requérantes faisaient valoir que la province Sud aurait dû, préalablement à l'adoption de la délibération contestée, solliciter l'avis du conseil coutumier concerné, par application de l'article 46 de la loi organique du 19 mars 1999, ainsi que l'avis du sénat coutumier, conformément à l'article 143 de la loi organique du 19 mars 1999 qui dispose que « le sénat coutumier est consulté, selon les cas, par le président du gouvernement, par le président du congrès ou par le président d'une assemblée de province sur les projets ou propositions de délibération intéressant l'identité kanak ».
Le tribunal a jugé que « la seule circonstance que sur les totems utilisés par les clans de la mer figurent fréquemment des requins n'était pas de nature à justifier qu'un avis du conseil coutumier soit ici sollicité en vertu de l'article 46 de la loi organique du 19 mars 1999. Par ailleurs, la délibération en cause, qui n'a pas trait à la coutume et ne poursuit que des considérations environnementales, n'intéressait pas de manière suffisamment directe l'identité kanak pour justifier qu'un avis du sénat coutumier soit ici demandé sur le fondement de l'article 143 de la loi organique du 19 mars 1999 ».
Les requérantes faisaient également valoir une erreur manifeste d’appréciation de la province Sud à déclasser des espèces classées parmi les espèces vulnérables au niveau mondial. Le tribunal a rejeté ce moyen en considérant que ces espèces ne sont cependant pas en danger d'extinction sur le territoire calédonien, prenant pour indice, en l’absence de données chiffrées, le fait que les attaques sur les êtres humains sont en augmentation. Le tribunal a ainsi retenu que « le retrait en litige, qui vise à réduire le nombre de requins-tigres et requins-bouledogues à proximité des agglomérations et est ainsi motivé par une volonté de protection de la vie humaine, ne saurait être regardé comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation, nonobstant l'avis défavorable émis par le conseil scientifique de la province Sud ».
Ce contentieux a également été l’occasion pour le tribunal administratif de s’appuyer sur l’avis n° 462434 du 18 juillet 2022 du Conseil d’État établissant que « les provinces sont compétentes pour établir la liste des espèces animales qu'elles entendent protéger et réglementer, dans les eaux intérieures, telles que définies par l'article 46 de la loi organique du 19 mars 1999, et dans les eaux surjacentes de la mer territoriale, les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux interdictions qu'elles édictent dans le cadre de cette protection, y compris s'agissant d'espèces animales qui se déplacent également dans la zone économique exclusive ».
Un appel est en cours.