Inventaire initial de l'herpétofaune du parc de la Dumbéa
En 2021, le programme TeMeUm a choisi de soutenir le micro-projet de l’association calédonienne Dumbéa Rivière Vivante (DRV).
Ce micro-projet avait pour objectif de réaliser un inventaire initial de l’herpétofaune du parc de la Dumbéa afin de découvrir de nouvelles localités et d’étendre les aires de distribution connues pour un certain nombre d’espèces rares et patrimoniales.
L’herpétofaune du parc de la Dumbéa a été peu étudiée. Elle est cependant globalement bien connue dans les massifs voisins. On estime que 13 espèces menacées sont potentiellement présentes dans les limites du parc.
Au cours de cette mission d’inventaire et d’échantillonnage qi s’est déroulée entre septembre 2022 et février 2023, 420 pièges à colle ont été positionnés au sein de 25 stations d’inventaire, regroupés en 7 habitats distincts (forêts humides de moyenne et haute altitude) et 4 secteurs géographiques (Dumbéa Nord, Est, Sud et Ouest). L’effort de prospection total a correspondu à 1000 pièges/jour et il est considéré que celui-ci a permis de détecter au moins 75 % des espèces de ces sites.
L’inventaire a permis d’identifier 24 espèces de lézards (14 scinques et 9 geckos), dont 21 endémiques. Au total, 234 scinques (lézards diurnes) et 70 geckos (lézards nocturnes) ont été observés. Parmi les espèces répertoriées, 6 sont menacées de disparition : 3 espèces sont classées « en danger » (EN) sur la Liste Rouge de l’UICN et 3 autres sont classées « vulnérables » (VU). Le résultat le plus significatif de cette mission est la découverte d’espèces rares localisées dans les hauteurs du parc : le gecko Bavayia nubila et les scinques fouisseurs Marmorosphax montana et Sigaloseps ferrugicauda, ces deux derniers étant des espèces strictement montagnardes.
Il est à noter que les conditions climatiques peuvent avoir une influence sur les populations de reptiles. Les sessions de terrain se sont déroulées au terme de trois années consécutives de l’épisode climatique la Niña, marqué par des épisodes pluvieux fréquents et intenses, avec, en particulier, un hiver 2022 inhabituellement pluvieux. Il est possible que ces conditions aient eu un impact négatif sur la démographie de certaines espèces, ce qui pourrait expliquer notamment l’absence de scinques héliophiles dans les forêts de haute altitude.
En termes de communication et de valorisation des résultats, un rapport d’expertise comprenant une synthèse bibliographique, les protocoles mis en place, les résultats des prospections, plusieurs cartes de distribution des espèces, ainsi que des planches de photographie a été rédigé suite à l’inventaire. Le rapport a été officiellement présenté au cours d’une réunion avec la Direction du Développement Durable des Territoires de la Province Sud (DDDT) qui a garantit la pertinence et la cohérence du projet avec les différentes actions de préservation engagées dans le Parc Provincial de la Dumbéa. Il a également été discuté avec le comité technique du Parc où siègent l'ensemble des partenaires de la gestion du Parc. De plus, le projet et ses résultats seront communiqués sur le site Internet de la Province Sud et pourront faire l'objet d'un reportage de la WebTV de la Province Sud. Un panneau d’affichage permanent, installé à l’entrée du Parc Provincial de la Dumbéa, présentera les résultats sous forme pédagogique accessible aux 20 000 visiteurs annuels du parc. Finalement, les données acquises seront prochainement accessibles sur l’une des plateformes nationales de partage de données scientifiques.
Pour placer les résultats dans un contexte plus global, il est donc avéré qu’une diversité d’espèces de lézards est présente dans les parties basses et moyennes du Parc, fortement marquées par le passage des feux de forêt. Les chats sont également très présents dans cette partie, leur régulation permettrait d’améliorer globalement la conservation des lézards endémiques. Une action dans ce domaine vient d’ailleurs d’être entreprise par la DDDT. En outre, dans les moyennes altitudes (300-700m), des reliques isolées de forêt humide mature persistent, et concentrent la plus forte diversité reptilienne. Ces habitats sont fortement menacés par les feux et les mammifères envahissants, contre lesquels un projet de plus grande envergure permettrait de lutter.
Rédaction : Patrice Maury et Lea Masserey